J’ai toujours été fasciné par les arabesques décrites dans le ciel par ces grands oiseaux blancs que sont les planeurs. L’envie d’effectuer un vol à bord d’un de ces avions sans moteur, aux ailes immenses et au fin fuselage, me poursuivait depuis longtemps. Mon rêve a pu se réaliser le 11 août 2013, lors d’un séjour à Bolquère, dans les Pyrénées orientales, non loin de l’aérodrome de La Llagonne, le plus haut d’Europe, à 1714 mètres d’altitude. L’association aéronautique y propose des journées découvertes qui vont au-delà d’un simple vol d’initiation et permettent de prendre les commandes sous le contrôle d’un instructeur.
À 10 heures, l’activité débute avec le briefing au cours duquel le chef-pilote répartit les machines et fait un point sur les conditions météo du jour. C’est Thierry qui se porte volontaire pour me prendre en charge. Pilote expérimenté, il m’explique tout d’abord comment un planeur tient en l’air et peut prendre de l’altitude. En exploitant les ascendances thermiques qui résultent de l’échauffement du sol, en pratiquant le vol de pente, le long d’une colline ou en profitant des ondulations de l’air lorsqu’un vent suffisamment fort souffle perpendiculairement au relief. Ce jour-là, compte tenu des conditions météo, nous n’utiliserons que les thermiques.
Comme dans tout aéroclub, on commence par sortir les machines, puis on les amènent en bout de piste. Le premier utilisateur d’un appareil effectue la visite de pré-vol. Cette tâche consiste à vérifier que toutes les commandes fonctionnent correctement et engage, pour la journée, la responsabilité du pilote qui l’a effectuée.
J’en profite pour prendre contact avec l’appareil qui nous est affecté pour la matinée, un biplace « Twin Astir ». Puis arrive le moment d’endosser le parachute et de me glisser dans l’étroit cockpit dont Thierry me montre l’emplacement des différentes commandes et des instruments qui permettent de gérer le vol. C’est maintenant notre tour de décoller, remorqué par un Robin MS 235. La verrière du planeur est refermée et le câble de remorquage accroché au nez du planeur. Les autres « vélivoles » présents sur le terrain nous aident en maintenant l’aile horizontale pendant les premiers mètres. Car le vol à voile est un sport individuel qui se pratique en équipe, dans un esprit associatif.
Et c’est parti. Dans le sillage de l’avion-remorqueur, nous nous élevons
de 500 mètres et l’altimètre indique 2200 mètres lorsque Thierry tire
la poignée jaune qui libère le câble de remorquage. Reste maintenant à
trouver une ascendance qui va nous permettre de rester en l’air le plus
longtemps possible, sans perdre d’altitude.
Malheureusement, le
variomètre, l’instrument qui indique les gains ou les pertes d’altitude,
est plus souvent négatif que positif et ce premier vol ne durera qu’une
vingtaine de minutes. J’ai quand même pu prendre les commandes quelques
instants et maintenir le planeur en ligne droite, en jouant du manche
et du palonnier. J’ai pu constater que les commandes étaient très
sensibles et qu’il fallait les actionner avec souplesse.
Le vol de
l’après-midi s’effectue sur une Janus, un appareil beaucoup plus fin que
le « Twin », dont on peut modifier la courbure des ailes en fonction
des conditions de vol. Avec la chaleur emmagasinée par le sol, les
thermiques devraient être plus efficaces et Thierry espère bien rester
en l’air plus longtemps que le matin. Effectivement, une fois largué par
le remorqueur au dessus du Plan de Barrès et des lacs du Carlit, nous
trouvons une ascendance qui nous permet d’atteindre progressivement 3200
mètres, une altitude qui nous positionne juste au-dessus des sommets de
la chaîne de montagnes qui nous fait face. Thierry me confie de nouveau
les commandes et me demande d’incliner le planeur pour le mettre en
virage et le maintenir dans la spirale ascendante. J’y parviens plus ou
moins et constate que les commandes du Janus sont plus fermes et plus
précises que celles du Twin Astir. D’autres planeurs évoluent en même
temps que nous et il faut être vigilant pour éviter une collision et
avoir le réflexe de tourner la tête pour s’assurer que la voie est libre
avant d’engager un virage. « Mais comme nous volons en duo, nous avons
deux paires d’yeux, me rassure mon instructeur en me demandant de
signaler la positon des autres appareils. À midi, à neuf heures, à trois
heures ». C’est à dire, en face, à gauche, à droite.
Thierry me
fait ensuite une démonstration de décrochage, un phénomène qui se
produit lorsque la vitesse du planeur est insuffisante et qu’il perd de
la portance. À l’inverse, il me montre qu’un planeur peut aller très
vite lorsqu’on modifie la courbure des ailes. Comme le prouve l’aiguille
de l’anémomètre qui frôle les 190 km/h.
Puis nous entamons la
descente et nous positionnons dans l’axe de la piste pour
l’atterrissage, face au vent. Le vol aura duré une heure et demie.