Entretien avec Louis BOUDERLIQUE, champion d'Europe 2009 en classe 15m.
Louis répond aux questions de planeur.net, nous raconte son championnat à Nitra et nous livre ses impressions sur sa saison 2009 .... inoubliable !
Planeur.net : Louis, tu as remporté cet été le championnat d'Europe à Nitra en classe 15 m avec le ventus 2 EQ du CNVV, quel bilan "vol à voile" tires-tu ce cette saison ?
Louis Bouderlique : L’année 2009 restera dans les annales! Un titre de champion d’Europe et un podium aux championnats de France à Vinon sont de très belles récompenses après m’être autant investi ces trois dernières années. Je tiens à remercier Marc, Christophe, Sylvain et Laurent, qui volaient en 18 m et libre, pour leur aide en vol et leur bonne humeur au sol! Ce résultat est d'autant plus satisfaisant qu’avec Christophe Ruch nous sommes deux français sur le podium en 15 m! Notre vol d’équipe a permis d’effacer sa vache du 1er jour!
Je me souviendrai, toute ma vie, du moment magique où l’on a joué la «Marseillaise» lors de la remise des prix!
Quelle a été ta préparation avant le championnat d'Europe : stage ? Concours ? Vol en équipe ?
Ce titre est le fruit d'un travail initié en 2006! Après mes sélections en 2001 et 2003 en équipe junior et ma pause sportive en 2004 et 2005, il a fallu revenir en équipe de France... A ce moment là, j'ai beaucoup discuté avec Eric Napoléon : comment revenir en équipe de France et comment y réussir? Etre ‘bon pilote’ ne suffit pas pour gagner. Il faut savoir voler avec les concurrents et détecter le bon moment pour faire la différence. Partir seul contre tous c'est l'assurance de l'échec...
En 2006, j'ai eu la chance de pouvoir participer aux championnats d'Angleterre, classe Standard, à Bicester (Angleterre). J'ai donc appliqué à la lettre les conseils d’Eric et j'ai pu, au terme de 7 épreuves, terminer 1er devant 46 anglais chez eux! Grâce à ce résultat, j'ai été sélectionné pour les championnats d'Europe, qui sont considérés comme un tremplin pour la compétition internationale.
Ainsi depuis 2007, je vole avec Christophe Ruch en classe 15 mètres. Le facteur le plus important de notre réussite commune est notre vol d'équipe. Pour y arriver, nous avons fait beaucoup de compétitions ensemble afin d’apprendre à nous connaître, nous respecter et surtout nous apprécier.
A titre d'entraînement, nous avons donc concouru ensemble à de nombreux championnats ces trois dernières années : British Overseas à Ocana (Espagne), Hahnweide (Allemagne), championnats d'Angleterre à Tibenham et Husbands Bosworth, championnats de France à Saint Florentin et Vinon...
Je suis convaincu que le meilleur entraînement pour la compétition est la compétition! Cela nous a permis de peaufiner les fondamentaux : bien sélectionner les thermiques, bien monter, bien cheminer, bien gérer la charge alaire, bien choisir son heure de départ, savoir utiliser les concurrents, faire de belles arrivées tendues....
Par ailleurs, il est aussi crucial d’avoir une bécane réglée au top. Le centrage doit être parfait pour monter mieux que les autres et ce, quelque soit la charge alaire! Nous avons réalisé des pesées pour ajuster le centrage avec l'ajout de plomb dans le nez ou dans la queue. Cela se joue à quelques centaines de grammes près sur une masse au décollage de 525kg!
Il faut veiller à garder un bon centrage lors du déballastage. Bien connaître l'évolution de sa charge alaire en fonction du temps de vidange est aussi primordial! Connaître ainsi son planeur permet de décoller à la masse maximum tous les jours sans faire de choix prématuré le matin au niveau de la charge alaire.
Le fait de mieux monter que les autres pilotes est un avantage capital!
Enfin une préparation mentale est également très importante. Ce sont les échecs qui nous font le mieux progresser. Grâce – notamment – à Eric Napoléon, nous avons pu tirer les enseignements de nos erreurs à Lüsse (Allemagne) l’an dernier (en 2008) et les avons appliqués à Nitra (Sovaquie) cette année (en 2009). Le choix de l'heure de départ à chaque épreuve est capital. Il faut faire un compromis entre l'évolution météo – le critère de base – et la tactique pour prendre un bon départ ; c'est là où nous avons le plus progressé ces deux dernières années.
Quel regard portes-tu sur le site de Nitra ? Aérologie ? Champs ?
Nitra (Slovaquie) est une superbe plateforme située à la limite entre la plaine hongroise et une chaîne de moyenne montagne au nord: les Tatras. Les conditions sont un peu particulières mais j’aime beaucoup voler là-bas.
Il y a beaucoup de changements de rythme, parfois du 1,5m/s puis plus de 3m/s! Les conditions sont très changeantes d’une vallée à l’autre. Ce n’est pas du vol de montagne comme nous le connaissons en France.
La grosse particularité de Nitra est la grosse différence entre les varios dans les différentes tranches d'altitude! Les thermiques sont toujours plus puissants en haut! Vladimir Foltin (l’organisateur) aime rappeler qu’à 1200 mètres, on est au point bas! Il ne faut ainsi pas hésiter à refaire 2 ou 3 tours dans un vario moyen pour refaire le plafond sous chaque cumulus.
Cette année la météo a été placée sous le signe des orages (6 ou 7 jours sur les 9 épreuves). Je dirais que ça a été une compétition où les choix que nous avons faits étaient plus orientés ‘météo’ que ‘tactique’…
Les champs: il y en a après les moissons mais, avant, c’est peau de chagrin. C’était donc tout juste pendant la première moitié du championnat…
Avec Christophe (qui a terminé 3ème) et le coach : avez vous adopté une stratégie particulière une fois que tu as pris la tête du concours (5ème épreuve) ? Pas trop de pression ?
La stratégie à chaque vol a été la même, du début à la fin du championnat. Nous sommes restés très rigoureux sur le choix de nos heures de départ. Nous avons essayé de ne pas nous laisser embarquer par les autres pilotes dans des tours de spirale inutiles avant le départ. Nous avons volé avec les concurrents quand il le fallait et pris le large en volant à deux quand nous l'avions décidé!
Une des clés dans la météo sélective de Nitra (Slovaquie) a aussi été la rigueur dans le choix exact de notre charge alaire dans toutes les phases de vol. C’est vrai qu’il y a eu de la pression sur la fin, surtout quand nous étions tous les deux sur le podium.
Sur un gros championnat comme celui-ci, pour gagner il faut être régulier! Et surtout pas de vaches! La plupart du temps lors du championnat, j’ai été classé entre les 2ème et 6ème places (mais jamais 1er)!
Quels ont été vos adversaires les plus coriaces ?
Le niveau était très relevé. Il suffit de regarder dans le haut de l’IGC ranking pour s’en apercevoir: Gulyas, Kawa, Wells, Hartmann, Louzecky… Lors d’un championnat, c’est important de savoir quel pilote est régulier à haut niveau; ce qui est toujours un bon repère en vol.
Il faut aussi savoir remarquer quel pilote est en forme pendant la compétition : le Polonais Lukasz Wojcik en Diana2 a – par exemple - gagné les 3 dernières épreuves!
Comment s'organise l'aide entre les pilotes des différents "classes" lors d'un championnat international ?
Lors d’un championnat international, nous formons une équipe d’environ 15 personnes (pilotes, coach, dépanneurs, …). Il n’est pas forcément facile de vivre ensemble et de s’organiser pendant presque 3 semaines, chacun devant y mettre de la bonne volonté et de l’eau dans son vin …
A Nitra, l’ambiance était excellente! C’est une part importante de la réussite de l’équipe!
En l’air, les analyses météo sont partagées - par exemple - avant l’ouverture de porte pour évaluer l’évolution des orages. Lorsqu’une classe passe dans une zone avant l’autre, elle peut renseigner les autres sur les lignes de grains, sur les rues de cumulus; ce qui nous a permis de faire des écarts de cap judicieux sur certaines branches pour arriver directement là où c’était bon, voire fumant!
Lors des AAT, les informations plus générales de Vz et plafond par zone permettaient de choisir dans quels cercles il fallait allonger… Globalement l’équipe de France a eu de très bons résultats lors des AAT!
Explique-nous le rôle du coach sur un championnat international ?
Son rôle est prépondérant! C’est un travail de tous les instants (même la nuit…;-) ) pendant tout le championnat! Philippe De Pechy a été vraiment excellent dans ce rôle! Il a été d’une grande aide à la fois au sol et en l’air.
En l’air, il nous fournissait les informations ‘météo’ sur les développements orageux avec SAT24 tous les ¼ d’heure pour nous aider à prendre les bonnes décisions et nous transmettait ses observations vues du sol.
Par exemple: «il y a une très belle rue, axée 330°, qui ramène à Nitra depuis au moins le km 50». Ce genre d’information nous a donné l’opportunité de gagner quelques km/h lors d’un AAT!
Au sol, et c’est sans doute le plus important, il est le chef d’orchestre de toute la petite équipe. Il supervise le travail des équipiers et règle les soucis de dernières minutes (sur ce point, j’ai été servi …).
Nous faisions également deux briefings par jour: le premier durait environ 20 minutes, avant le briefing de l’organisation, pour faire le bilan de l’épreuve de la veille et le second (juste après le briefing de l’organisation) servait à préparer l’épreuve du jour, à analyser les zones communes aux différentes classes et à bien cibler le créneau de vol pour la journée…
Philippe nous préparait aussi des cartes de circuit avec les épreuves des trois classes sur une seule feuille. C’était parfait pour se filer les bonnes informations au bon moment du vol!
Mais le mieux est de lui demander …
Quel est le rôle de l’équipe au sol?
L’équipe au sol (merci à mes parents et à tous les autres dépanneurs!)
s’occupe du planeur, du ballastage, de la mise en piste, de la pesée
quotidienne, de l’éventuel ‘dévachage’, du nettoyage du planeur le soir
et du houssage et de l'amarrage pour la nuit. C’est beaucoup de travail
et de fatigue en moins surtout lorsque les épreuves se suivent, sans
aucun jour de repos (nous avons fait 8 épreuves consécutives). Il faut
tenir physiquement.
Par ailleurs, les équipiers s’entraident. J’ai eu pas mal de soucis
techniques et notre équipe au sol (Hubert Ruch et Lionel Virely pour ne
citer qu’eux) allait récupérer du matériel de l’équipe allemande ou
anglaise quand on n’avait pas les bonnes pièces de rechange. Ainsi on
m’a changé le soufflet du ballast de queue du Ventus à 30 minutes du
décollage. Le lendemain il s'agissait de réparer mes trappes de trains
arrachées sur la piste lors de l'atterrissage…
Quel confort de pouvoir compter sur une telle équipe !
Quel avionique utilises-tu : calculateurs ? PDA ?
Le Ventus2a EQ du CNVV est équipé avec un ‘vieux’ vario Type 100 que j’aime beaucoup et un Zander 940. Par ailleurs, j’ai un système indépendant alimenté par batterie, Volkslogger, IPAQ 5550. Cette année je fonctionnais avec Winpilot mais la moitié de l’équipe fonctionnait avec SeeYou Mobile.
De quelles aides (financières, matérielles, ....) bénéficient les pilotes français qui participent à un championnat d'Europe ?
Pour la première fois cette année, les championnats d'Europe n'étaient plus pris en charge par le Ministère de la Jeunesse et des sports. Cependant, après les élections, la FFVV a néanmoins décidé d’envoyer l’équipe de France aux championnats d’Europe et de ne payer que les inscriptions, les remorqués et, dans mon cas, le planeur (Ventus2a ‘EQ’ du CNVV) pour le championnat.
Cependant les négociations fructueuses des élus avec le ministère, au début de l'été, ont permis d'obtenir une rallonge budgétaire pour les championnats d'Europe. Cela nous laisse espérer d’être remboursés des frais de transport et d’hébergement qui restent malgré tout importants.
Merci aux élus de la Fédération et aussi à la Direction Technique Nationale!
Quels sont tes objectifs pour 2010/2011 ?
Faire mieux! ;-)
Plus sérieusement, il faut faire un ‘reset’ sur cette année… Je suis encore sur un petit nuage en cette fin de saison mais il faudra en redescendre rapidement pour se remettre au travail dès février/mars!
Les sélections ont bientôt lieu. Je repartirais bien avec Christophe qui m’apporte beaucoup!