Qui n’a jamais pesté contre l’inefficacité du freinage du Pégase ?
A Dijon, ce n’est plus un problème.
Le Centre Dijonnais de Vol à Voile s’est associé à Béringer pour
adapter et mettre au point leur fameux frein à disque sur le Pégase.
Histoire du projet.
Au mois de Juillet l’an dernier, je décolle avec 2 fois 40 L dans les ailes… enfin plutôt 40 à droite et 35 à gauche... Le copain à l’aile, pas trop bien briefé, ne me prévient pas du déséquilibre… vous connaissez la suite : l’aile droite par terre, pied et manche à fond et on attend que ça revienne… et c’est pas revenu !
Vers 50-60 km/h, voyant que « ça va pas le faire », je largue et j’actionne à fond la fameuse poignée de frein de vélo. Et je trouve le temps long… mais long ! Le planeur, poussé par son inertie, continue sur sa lancée en déviant à droite, roule… roule… roule… et s’arrête sur le chemin longeant la piste, à 20 cm de la nouvelle clôture électrique anti sangliers. Ca a été le déclencheur : Raz - le - bol !
Nous avons donc pris contact avec la société Béringer.
C’est Rémi Béringer qui nous a répondu. A noter que Rémi est un vrai passionné : c’est un ingé aéro, il vole en planeur à Roanne, et il possède un très joli planeur Suisse, un Elfe magnifiquement restauré. Depuis peu, leurs freins équipent un certain nombre d’avions légers et de planeurs (Antarès, Schemmp-Hirth…).
Béringer était très intéressé pour proposer un kit d’adaptation pour les Pégase, mais ne disposait pas d’un planeur pour concevoir l’adaptation, et n’avait pas forcément beaucoup de temps à y consacrer. Nous avions les planeurs, une bonne équipe avec les compétences techniques et administratives pour le faire, et la motivation. Nous avons donc conclu un accord de coopération, et le projet a été lancé l’hiver dernier.
La réalisation.
Nous avons démonté et envoyé le train complet du Pégase à Béringer pour qu’ils y adaptent leur ensemble roue + frein à disque. En même temps, ils nous ont envoyé toutes sortes de pièces pour qu’on essaie différentes adaptations.
Il y avait plusieurs hypothèses pour l’aspect ergonomique et technique : frein au manche, ou en fin de course des AF ? Commande hydraulique directe, ou par l’intermédiaire d’un câble pour actionner le maître cylindre ?…
La difficulté résidait également dans l’obligation de ne pas toucher à la structure du planeur et de ne pas générer de contraintes supplémentaires sur les commandes, au risque d’être incapables de justifier la modification. Dans ce cas l’EASA n’aurait jamais accepté !
La solution retenue a été la poignée au manche. C’est une poignée de type moto, avec un levier raccourci pour laisser un jeu suffisant avec le tableau de bord et la casquette. La durite passe au même endroit que l’ancienne gaine de câble. A noter que le circuit hydraulique est équipé d’un limiteur de pression qui évite le blocage de la roue et le passage sur le nez.
Au niveau du train, il a fallu concevoir un petit déflecteur le long de la jambe de force, et déplacer la patte métallique sur la trappe car celle-ci se coinçait entre l’étrier de frein et la structure.
Finalement l’adaptation a été terminée fin janvier. Après quoi nous avons rédigé les justifications pour l’EASA : manuel d’installation, parts catalog, justifications techniques, amendement au programme d’entretien du planeur, etc…
Et enfin, nous avons reçu le laissez-passer le 13 Mars 2009, et l’approbation de modification mineure EASA.A.C.11790 dès le 17 Mars.
En vol
Le premier vol a eu lieu dès le 14 Mars.
Ensuite, nous avons fait quelques vols en freinant doucement pour roder le système (un freinage trop énergique sur du matériel neuf peut l’endommager). Nous avons tout de suite apprécié la facilité d’utilisation et la progressivité du frein. C’est léger, doux, sensible mais pas nerveux… en bref : très bien ! La poignée, que certains trouvaient peut être trop volumineuse, ne gène en fait absolument pas en vol.
Puis nous avons fait des vols d’essais pour tester le freinage maximum. Le but était de vérifier que le planeur n’avait pas tendance à passer sur le nez, et que la roue ne bloquait pas. Résultat : im-pres-sion-nant !
- Sur piste en herbe, le freinage est déjà remarquable. La queue effleure les bosses du sol mais ne bascule pas, sauf en toute fin de roulage où elle se soulève de 15 cm. La roue ne bloque pas ou très peu. Touché-arrêté : 60 mètres, en 6.2 secondes ( ! )
- Sur piste en dur, alors là c’est bluffant ! La queue n’a pas tendance à se soulever (il faut quand même garder le manche au ventre…). La roue tourne et bloque très légèrement dès que l’oscillation des ailes déleste le train, mais cela reste raisonnable. Et alors la perfo ! : touché arrêté : 45 mètres !
En conclusion : c’est parfait, mais pour la série le limiteur de pression sera un petit peu plus faible car de telles performances ne sont pas nécessaires et pourraient surprendre des pilotes inexpérimentés.
Retour d’expérience
A ce jour le planeur a fait environ 150 heures depuis l’installation, et 50 atterrissages, sans aucun problème. Tous les pilotes qui l’ont utilisé sont unanimes : facile, efficace, agréable. A noter que parmi ces atterrissages il y a eu une dizaine de « vaches ». Résultat : le raccord banjo qui nous semblait peut être un peu trop près du sol, ne craint pas les cailloux ou la terre meuble. Nous l’avons seulement retrouvé desserré à la première vache : c’est juste le « sabot » de la remorque qui touchait ! (On ne peut pas penser à tout… Un coup de ciseau à bois et, hop ! problème résolu).
Si à l’avenir le besoin s’en faisait sentir, un déflecteur serait facile à ajouter.
L’Avenir
A ce jour seuls nos deux Pégases ont reçu l’approbation EASA de modification mineure. Ce n’est pas une STC ! Béringer pourra profiter de notre dossier de modification et de notre retour d’expérience pour déposer un dossier de STC et devrait être capable de livrer des kits approuvés prochainement (vers le mois d’octobre aux dernières nouvelles), à un prix raisonnable je pense.
Le kit sera adaptable sur les premiers Pégases (avec le frein au manche) et sur les Pégase 90 (avec le frein aux AFs). Prévoir une journée de travail, pas plus.
Alors, convaincus ?
Rdv sur le forum technique si vous avez des questions: ici
Nicolas MAHUET
CDVV